“Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu” - Le Raku et la cérémonie du thé

Le mot Raku est l’abréviation du terme japonais Raku-yaki, qui signifie “cuisson confortable”, dans le sens de aisément, rapidement réalisable. Il s’agit d’une technique d’émaillage “accidentée” élaborée au Japon durant le XVIe siècle, alors que les bols de thé à la finition parfaite étaient en vogue. 

Le mot Raku est l’abréviation du terme japonais Raku-yaki, qui signifie “cuisson confortable”, dans le sens de aisément, rapidement réalisable. Il s’agit d’une technique d’émaillage “accidentée” élaborée au Japon durant le XVIe siècle, alors que les bols de thé à la finition parfaite étaient en vogue. Créée par le potier *coréen Chôjirô (1516-1592), la céramique Raku se distingue par son absence de couleur et d’ornements ainsi que par son irrégularité due au façonnage à la main. Dès son apparition, elle surprend le public qui l’appelle “ima-yaki”, ou poterie du moment, c’est-à-dire contemporaine. A la mort du père du Raku, les bols viennent appelés “Juraku-yaki”, du nom du quartier où se situait le four. A cette époque, Tanaka Muneyoshi, qui à l’époque était le soutien de Chôjirô, a l’autorisation du très puissant Toyotomi Hideyoshi d’apposer sur ses pièces un poinçon avec l’idéogramme de “Raku” (楽), plaisir, et c’est ainsi que cette technique est progressivement appelée “Raku-yaki”. Depuis, se sont succédées quinze générations et la dernière travaille encore aujourd'hui à Kyoto.

Pour faire du Raku, les artisans utilisent du grès chamotté, une argile brute résistant aux forts écarts de température. En effet, le mode de cuisson de ces pièces est relativement brutal: après que le four ait atteint une température très élevée, on défourne les pièces encore incandescentes, on les enfume pour ensuite les refroidir en les plongeant brusquement dans de l’eau. L’addition du choc thermique et du fumage provoque le craquelé et le noircissement caractéristiques du Raku. Cette technique accidentée est intimement liée à la pensée zen et à la cérémonie du thé (Chanoyu). D’ailleurs, une vieille maxime hiérarchise les styles de céramique qu’on préfère employer lors du Chanoyu:  “Ichi Raku, ni Hagi, san Karatsu”, c’est-à-dire: en premier le Raku, puis le Hagi et enfin le Karatsu. Lors de la codification de la voie du thé, le maître Sen no Rikyû (1521-1591) veut remplacer les importations de bols par de la céramique locale, cependant, il n’est non pas attiré par la porcelaine lisse mais plutôt par l’imperfection et la sobriété de la terre cuite, plus sincère et impulsive: en accord avec l'évanescence de ce monde qu’on cherche à ressentir lors de la cérémonie du thé. Chaque irrégularité figée dans la matière est une évocation poétique de la fugacité de la nature et c’est en ce moment suspendu qu’est le Chanoyu que nous nous perdons dans le tableau qu’est cet émail pétrifié. C’est ainsi que commence la collaboration entre le maître du thé et l’homme du feu: avec le Raku, Chôjirô a su matérialiser les idéaux de cette philosophie et dans le noir profond du fumage et les craquelures, Sen no Rikyû a vu l’essence du monde.